La Chanson de Sigale

Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)

La jeune Sigale est la fille d'Augustin, le maire bibliophile et débonnaire d'Aiguesieste. La vie est belle dans ce petit village viticole de Provence peuplé de personnages hauts en couleur. Mais il faut aussi compter avec ces imbéciles de crucholiens et ces estivants assoiffés venus de l'espace…


En Provence... Séries avec un unique avis

Aiguesieste est un pittoresque village des Alpilles provençales connu pour sa production de vin et ses autochtones hauts en couleur. L'eau y est rare, mais comme elle ne sert guère qu'à mouiller le pastis, la vie y est douce. Le jour où la mère de Sigale meurt en la mettant au monde, une guerre éclate entre Aiguesieste et le village voisin de la Roche-Clairefont, dirigé par l'acariâtre Cruchol. Très vite les sympathiques habitants d'Aiguesieste sont contraints de fuir. Réfugiés dans les montagnes du Barbegal, ils organisent la résistance en attendant le jour où ils pourront reconquérir leur paradis perdu avec l'aide des géants décrits dans les légendes locales.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 01 Juillet 1993
Statut histoire Série abandonnée 2 tomes parus

Couverture de la série La Chanson de Sigale © Dargaud 1993
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)
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06/03/2014 | Eric2Vzoul
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Je viens de relire la chanson de Sigale et j'y ai trouvé le même plaisir qu'il y a 20 ans quand je l'ai découverte à sa sortie. Au premier abord, les deux albums qui constituent cette série peuvent sembler éminemment farfelus. L'action se situe au début des années 1950, dans un village provençal perché sur les contreforts des Alpilles, auquel on ne peut accéder que par un pont romain rappelant le pont du Gard. Le village surplombe l'abbaye des Fioupelans, célèbre pour son vin et pour les œuvres d'art de frère Pistou, genre de Facteur Cheval porté sur la bouteille et amateur de bonne chère. Aiguesieste est gouvernée par le débonnaire Augustin, édile érudit et bibliophile. On y rencontre divers personnages pittoresques, dont l'épicurisme n'a d'égal que la propension à se disputer afin de mieux se réconcilier autour d'un verre. Mais on n'est tranquille nulle part et le quotidien de ce petit monde est troublé par des casse pieds agressifs. Dans le premier album les habitants du village voisin de la Roche-Clairefont, menés par le maire Cruchol, s'emparent militairement d'Aiguesieste et y instaurent une insupportable dictature en forme de "régime végétarien". La résistance s'organise autour d'Augustin et de sa fille Sigale, involontairement responsable de ces événements tragiques. Dans le second volume, ce sont d'étranges "estivants", débarqués de courges volantes, qui sèment la panique en s’enivrant de tous les liquides qui leur tombent sous la main. Mais les Aiguesiestois peuvent compter sur Sigale, leur arme secrète partie chercher du secours à Paris. Peu de temps après que la série Les aventures d'Henri-Georges Midi ait été abandonnée, Christian Goux s'est lancé en solo dans la chanson de Sigale. Il invente un univers provençal truculent, qui lorgne vers Marcel Pagnol et Jean Giono. Il met en scène toute une galerie de personnages attachants et pittoresques, entourés d'une multitude de figurants bien typés, derrière lesquels on entrevoit les ombres de Fernandel, de Raimu, de Michel Simon ou de Louis Jouvet. Au cours de ses pérégrinations, la jeune Sigale croise également Georges Brassens et Boby Lapointe. Ces histoires loufoques et burlesques pourraient passer pour des pochades destinées à un public enfantin. Mais à y bien regarder, il y a dans cette approche du monde réel une dimension poétique qui dépasse la simple accumulation de péripéties extravagantes. L'invasion d'Aiguesieste par des fous furieux qui brûlent les livres et acclament un chef mégalomane est une allégorie de l'Occupation. La lutte des habitants pour préserver leur bonheur champêtre n'est pas sans rappeler le désir de retour à la terre dont rêvent nombre de contemporains. Et les cases en forme de rébus qui évoquent les chansons de Brassens dans Paris la douce amuseront assurément un public adulte. Ces thèmes sont abordés sans lourdeur, avec une grande gentillesse. Car dans la chanson de Sigale, les gentils sont très gentils et les méchants, tout hideux qu'ils soient, sont surtout bêtes et ridicules. Bien sûr, ils sont punis à la fin pendant que les bon triomphent. Le scénario est naïf, sans doute, mais pas simpliste, ni niais, ce qui demande un vrai talent. Et puis de temps à autres, c'est plaisant de lire des histoires gentilles avec des fins heureuses. Le style du dessin de Christian Goux s'inspire de la ligne claire, avec des décors très soignés. Mais pour les personnages, il n'essaie plus d'imiter Bob de Moor. C'est désormais vers Dubout qu'il se tourne pour trouver son inspiration, et ce choix contribue pour beaucoup à la réussite de ces deux albums. Les scènes de foule fourmillent de détails souvent comiques. L'accumulation de personnages dans les scènes de violence ou de liesse fait de chaque case un régal. Le regard s'attarde alors à traquer les détails saugrenus. Par moments, des dessins en pleine page d'une apparente simplicité cachent une extrême complexité digne du jeu où est Charlie ?. L'ensemble est très dynamique et l'auteur rend à merveille la confusion d'une bataille ou d'une procession où chacun des innombrables personnages semble vivre sa vie dans la plus grande fantaisie. En bref, la chanson de Sigale a pour moi comme un parfum d'enfance heureuse, entre la guerre des boutons et Robin des Bois, ce qui est étrange car je n'étais déjà plus un gamin lorsque je l'ai découverte. Il y des œuvres comme ça qui vous rajeunissent l'esprit… Le public n'a pas dû partager mes goûts et le troisième album annoncé n'est jamais paru. Je ne sais même pas si Christian Goux a continué la bande dessinée. Dommage… Je donne à cette série un 4/5, amplement mérité à mon sens. Et j'en fait mon coup de cœur du moment.

06/03/2014 (modifier)