Tomino la maudite (Tomino no jigoku)

Un soir d’hiver, les jumeaux Shoyu et Miso, à peine âgés d’un an, sont abandonnés par leur mère. Maltraités par les adultes, martyrisés par les enfants, c’est lorsqu’ils sont vendus à un cirque que les orphelins trouvent, pour la première fois, un foyer chaleureux dans l’effervescence du Tokyo des années 1930.
1930 - 1938 : De la Grande Dépression aux prémisces de la Seconde Guerre Mondiale Cirque & Saltimbanques Enterbrain Le Japon historique Les Freaks et autres phénomènes de foire Sakka, l'autre manga
Si les phénomènes de foire deviennent leur famille, les enfants apprennent à leurs dépens que le monde du spectacle, lui, est gangréné par les appétits les plus vils. Prix ACBD Asie 2021
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Date de parution | 27 Janvier 2021 |
Statut histoire | Série terminée 2 tomes parus |
Les avis


Casterman oblige, c'est sous la forme de deux pavés onéreux que se présente le dernier Maruo : une libre adaptation de L'enfer de Tomino - poème maudit pour quiconque le lirait à voix haute. Si le mangaka est réputé comme étant l'une des figures de l'érotico-grotesque (Ero guro) - sous-genre pictural à l'imagerie sexuelle fantasmagorique hérité des estampes - Tomino la maudite déroge à la règle de par son pitch voyant dans le Tokyo des années 30, le quotidien d'enfants jumeaux abandonnés puis vendus à un cirque de monstres. D'emblée, la finesse du trait de l'auteur saute aux yeux. La composition de ses cases est léchée, les arrière-plans souvent détaillés, l'encrage précis : c'est de toute beauté. D'une froide beauté même. Le regard vide des jumeaux Katan et Tomino dégageant un puissant sentiment d'absence, comme s'ils n'étaient déjà plus de ce monde. Un monde peuplé de figures perverses, où l'innocence et la différence tiennent lieu de marchandises. On touche là aux forces et faiblesses du titre. Si le sadisme des situations rencontrées se traduit par de réels moments de malaise, porté par une galerie de personnages tous plus déviants les uns que les autres, l'absence de psychologie tend à verser dans la cruauté gratuite - pour ne pas dire complaisante. Antagonistes peu développés, aux motivations floues, dont on devine pourtant un semblant d'envergure : des figures du mal dont le sort importe peu au final. C'est plutôt lorsqu'il se concentre sur le quotidien de sa troupe que Maruo révèle le cœur de son ouvrage. Combines à base de tours de passe-passe télépathiques et tranches de vie solidaires resserrent les liens de cette famille de fortune dans un Japon de misère. L'occasion pour le mangaka de recentrer son récit dans son cadre historique, notamment lors de l'irruption de la seconde guerre mondiale, en plus d'illustrer la stigmatisation dont ont été victimes les chrétiens d'Orient - l'auteur s'étant dispersé entre-temps dans une sous-intrigue mystique sur les dérives sectaires aussi survolée que lacunaire. Au final, Tomino est un édifice de la cruauté aux fondations fragiles. Maruo aimant se perdre dans le sordide, quitte à perdre le lecteur. En dépit d'une esthétique décadente, ellipses à foison et rebondissements abruptes donnent un aspect décousu à l'ensemble. Un patchwork que le peu de perspective confine à une vilenie de surface. À l'image de ces débordements surréalistes au symbolisme convenu, l'auteur récite plus qu'il ne raconte. Reste une dimension sociale prégnante où surnage la petite histoire dans la grande. Un traitement manichéen où les enfants apparaissent comme des figures angéliques captives d'adultes dépravés, mais où les enjeux moraux demeurent trop esquissés pour peser.


3.5 Les Maruo se suivent et se ressemblent. Côté graphisme: un trait reconnaissable entre tous, une composition toujours parfaite, des noirs profonds. Côté ambiance: les parias de Freak, les sadiques et les éphèbes. Côté scénario: changeant, difficilement descriptible, poétique, violent Bref, depuis La Jeune Fille aux Camélias rien de bien nouveau. Mon commentaire est celui d'un lecteur ayant plusieurs oeuvres de ce maître mangaka au compteur. Pour les autres, préparez-vous, vous allez être surpirs, choqué et émerveillé. Maruo est décidement un cas à part, son talent est toujours bien là. Mais il se contente légèrement trop de son pré carré, un peu comme Junji Ito. Pour en revenir rapidement à cet album, il y a moins de surprises que dans les oeuvres précédentes c'est la seule raison pour laquelle je ne mets que 3 étoiles car objectivement, tout livre de Maruo en mérite au moins 4. C'est un mangaka certes mais en découpant les cases et effaçant les bulles pour les encadrer, on est dans le domaine de la peinture des Beaux Arts.


Maruo est un des rares mangakas qui m'attirent systématiquement, tant son œuvre est originale et forte. Ce diptyque est très représentatif de son travail. Il peut donc rebuter, mais j'y ai trouvé au contraire de grandes qualités. Maruo est un des grands maîtres de l'ero-guro. Si ici l'érotisme est moins présent, on y trouve par contre beaucoup de sadisme, une esthétique s'inspirant de l'expressionnisme, du surréalisme (tendance Bellmer). Mais aussi du cinéma noir et sadique, mais bourré de poésie de Tod Browning. C'est ainsi que toute la première partie se déroule dans l'univers des barraques de foire des cirques de freaks, qu'intègrent deux jumeaux, dont Tomino donc. Un monde pervers et violent. Mais la deuxième partie l'est tout autant, culminant dans l'apocalypse nucléaire de Nagasaki. L'histoire est difficile à résumer, et part dans tous les sens (en particulier Maruo ajoute à 'imagerie évoquée plus haut celle des chrétiens japonais), mais l'esthétique est emballante. Et, comme toujours, le trait très fin et précis, minutieux, de Maruo donne à ses personnages des airs de poupées de porcelaine (la encore Bellmer !), avec une fragilité qui contraste avec le gore, le malsain, l'étrange qui dominent et éclairent d'une lumière noire ces deux gros albums.


Ayant déjà lu quelques œuvres de Maruo, je n'ai pas été surpris par son univers quelque peu macabre et parfois dérangeant. Ici il met en scène un frère et une soeur jumeaux qui se retrouvent orphelins et recueillis - vendus plus exactement - dans un cirque de 'freak show'. Cela laisse à l'auteur le loisir de dessiner toutes sortes de bizarrerie physique comme il aime le faire. Wang, le directeur du cirque aux yeux torves, est un personnage bien cruel, par exemple quand il force le garçon à faire un tour de cracheur de feu et que celui-ci se crame. Une ambiance qui peut rappeler la série des années 2000 "La caravane de l'étrange". Un gros tome de près de 300 pages chez Casterman (22 euros tout de même), à la narration parfois décousue mais le dessin est vraiment sublime et d'une telle finesse. Selon moi Maruo est un des meilleurs esthétiquement. Je viens seulement de voir que le tome 2 était déjà paru, je vais tâcher de compléter d'ici quelques semaines. Mise à jour avec le tome 2 en février 2023. Dans la continuité du premier volume, l'histoire est difficilement résumable et je ne voudrais pas en gâcher la surprise. L'ambiance est similaire au tome 1, de même que le graphisme au top.
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