Une romance anglaise

Note: 3.25/5
(3.25/5 pour 4 avis)

Londres, dans les années 60. Le docteur Stephen Ward, ostéopathe dont les talents lui valent l'affection de nombreux notables, partage ses loisirs entre réceptions mondaines et parties fines... Lorsqu'il croise Christine, une jeune danseuse ambitieuse, il en devient le Pygmalion, lui faisant rencontrer des hommes aussi importants (et sensibles à son charme) qu'un espion russe ou encore le ministre de la Guerre anglais, John Profumo...


1961 - 1989 : Jusqu'à la fin de la Guerre Froide Aire Libre Les coups de coeur des internautes Londres

L'affaire Profumo, avec ses relents d'espionnage international et de coucheries mondaines, fut le plus grand scandale de la société anglaise des sixties. Miles Hyman et Jean-Luc Fromental, après Le Coup de Prague, se révèlent parfaits pour lui redonner vie, dépeignant avec une égale réussite l'esthétisme guindé d'une Londres bourgeoise et la beauté des corps cherchant à s'affranchir de cette rigidité.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 07 Octobre 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Une romance anglaise © Dupuis 2022
Les notes
Note: 3.25/5
(3.25/5 pour 4 avis)
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11/10/2022 | Ro
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
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Aucune théorie du complot ne résiste au démontage d’un mécanisme si complexe. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, revenant sur une histoire d’espionnage britannique ayant pris la forme d’un scandale politique au Royaume-Uni en 1963. Son édition originale date de 2022. Il a été réalisé par Jean-Luc Fromental pour le scénario et par Miles Hyman pour les dessins et les couleurs. Il compte quatre-vingt-dix-huit pages de bande dessinée. Il se termine avec un texte d’une page, rédigé par le scénariste en juillet 2022, intitulé L’écheveau de la reine. Dans cette postface, il évoque l’intérêt d’évoquer cette affaire à l’âge du conspirationnisme aigu, du fake et de la post-vérité, de la masse de documents de toute forme (un dédale d’où ne peut sortir aucune vérité incontestable), et du choix d’avoir écrit ce récit avec le point de vue de l’accusé. Old Bailey à Londres, le 30 juillet 1963. Stephen Ward sort de la Cour centrale de la Couronne britannique, où il vient d’être entendu en tant qu’accusé. Les policiers lui forment une haie qui lui permet de passer au milieu des photographes et des journalistes qui le bombardent de questions. Christine et Mandy sont-elles des prostituées ? Où sont ses amis célèbres ? Qui a payé sa caution ? Est-il un agent de l’Est ? Quel verdict espère-t-il ? En son for intérieur, il se dit que C’est le moment de vérité. Après ces mois de harcèlement, de déballages de caniveau, de mensonges plantés comme des banderilles, le monstre qu’ils ont créé attend l’estocade. Plus de sanctuaire. L’arène réclame la mise à mort. Où sont-ils les puissants, les profiteurs, les petites filles perdues qui lui mangeaient dans la main ? Plus d’ami, plus d’allié. On ne veut plus le connaître. Si on se souvient de lui, c’est seulement dans la lumière poisseuse du scandale. Maintenant la foule l’insulte : Ordure ! Pervers ! Traître ! Maquereau ! Sale rouge ! Stephen Ward monte dans la voiture qui l’attend et il regagne son dernier refuge, à Chelsea. Derrière les stores vénitiens, dans son salon, il s’assoit devant son enregistreur à bande Grundig TK-14 pour dire tout ce qu’il sait. Sa vérité est la vérité, mais il semble qu’il soit désormais le seul au monde à pouvoir l’entendre. Ce qu’il fera ensuite, dieu seul le sait. C’est son procès qu’il recommence. Il sera son juge le plus sévère. Et s’il s’avère qu’au bout du compte il est coupable… Il jette un coup d’œil à une affiche de tauromachie décorant son mur, où le torero a donné le coup de grâce à l’animal dans le dos duquel sont fichées plusieurs banderilles. Où commencent les histoires ? Il faudrait reprendre du début, mais le temps lui est compté, demain la justice aura parlé, ce sera fini. Il choisit comme point de départ de ce jeu de dupes une fin de matinée de janvier 1961, alors qu’il se trouve au volant de sa voiture, dans les rues de Londres et que la radio diffuse le hit de Julie London, puis de Cliff Richard. Il pleut sur Londres, ce crachin qui a fait la réputation de sa ville. Devant le Garrick Club, le voiturier prend sa Jaguar en charge. Il y retrouve Colin Coote, rédacteur en chef du très conservateur Telegraph, qui lui présente le capitaine Evgueni Ivanov, attaché naval de l’ambassade d’U.R.S.S. En fonction de sa familiarité avec l’affaire relatée, le lecteur peut découvrir cette bande dessinée sans en avoir aucune connaissance, ou en avoir déjà entendu parler. Dans le premier cas, il fait connaissance avec Stephen Ward, ostéopathe de personnalités politiques et de riches citoyens, accusé par la vindicte populaire d’être une ordure, un pervers, un traître, un maquereau et un sale rouge. Il comprend que cette affaire est racontée avec le point de vue de cet homme, en toute subjectivité. Le personnage est présent dans la plupart des scènes à l’exception d’une vingtaine de pages consacrées à d’autres personnages, en particulier à Christine Keeler, et lorsqu’il se retrouve en prison. Dans la postface, le scénariste explique que : Le choix fait ici est de laisser la parole à celui qui tint le premier rôle dans un scandale entré dans les annales sous le nom d’un autre, le seul paradoxalement à ne pas avoir eu le temps de coucher par écrit sa version des faits. Il ajoute que : Stephen Ward fut la victime expiatoire, le bouc émissaire dont la fin opportune permit de cautériser dans l’urgence un certain nombre de plaies inquiétantes pour l’élite du Royaume. Le lecteur a bien conscience dès le début de lire la version des faits de Stephen Ward, avec ce qu’elle comporte de subjectif, et étant relatée à la première personne celui-ci se voit comme un être humain normal, pas comme un ignoble coupable. Après la scène d’introduction, le récit reprend un déroulé chronologique, et le lecteur bénéficie de la présentation de Stephen Ward que fait Colin Coote au bénéfice de Evgueni Ivanov : l’ostéopathe d’hommes politiques, portraitiste d’une grande finesse, bridgeur décent, et peut-être entremetteur. Dans le même temps, il ouvre grand les yeux pour regarder autour de lui, pouvant se projeter dans chaque lieu, et ressentir l’ambiance de l’époque. L’artiste réalise un impressionnant travail descriptif. Il se nourrit de photographies d’archives pour donner à voir chaque environnement, les tenues vestimentaires de rigueur ou à la mode. Au fil des séquences, le lecteur se retrouve ainsi aux côtés des personnages dans les rues de Londres avec des voitures d’époque (dont la Jaguar de Ward), à attendre sur un banc dans Hyde Park, dans le village de Wraysbury dans le Berkshire, à circuler le long de la Tamise, dans les jardins d’un cottage luxueux proche du château de Cliveden à Taplow dans le comté de Buckinghamshire, et au bord de sa piscine, dans le quartier pas très bien fréquenté de Soho, à l’entrée du Marquee Club. Il les accompagne également dans les intérieurs : le douillet appartement de Ward au 17 Wimpole Mews, la salle à manger du luxueux Garrick Club, le Murray’s Cabaret Club et son spectacle de danseuses, différents pubs chics, un autre club de Soho avec des chanteurs noirs, un véritable manoir, une chambre miteuse de Brentford, une salle de cinéma, la salle de rédaction du Sunday Pictorial, une cellule de prison, la chambre des Communes, une salle d’audience au tribunal, une chambre d’hôpital. Pour chaque endroit, le dessinateur prend le temps de représenter les détails des murs, des décorations, des meubles, des aménagements, avec un investissement remarquable. L’artiste fait preuve d’une aussi grande implication pour mettre en scène les différents individus : entre rendu parfois quasi photographique et simplification, sur la base d’une direction d’acteurs naturaliste. Le lecteur prend son temps pour savourer les robes de ces dames et les costumes de ces messieurs, y compris les uniformes des bobbies et la robe du juge. Il ressent pleinement la puissance de séduction de Christine Keeler, de son amie Mandy et d’une ou deux autres jeunes femmes. Il est sous le charme de la distinction des hommes, un peu distants, très chics sans ostentation. Il voit la différence de manière de se tenir entre les citoyens de la haute, et les gens du peuple, en particulier des clubs cosmopolites fréquentés par Christine. Sous le vernis de la bonne éducation, il peut ressentir l’intensité du désir des hommes, il succombe au charme de ces demoiselles qui savent très bien à quel jeu elles jouent. Sans en avoir conscience, le lecteur absorbe de nombreuses informations par les dessins : ce que font les personnages bien sûr, mais aussi le milieu dans lequel ils évoluent, les personnes qu’ils croisent et leur milieu social, leurs logements et leurs voitures qui sont révélateurs sur leurs revenus ou leurs richesses. S’il ne connaît rien à l’affaire Profumo, le lecteur la découvre par les yeux de Stephen Ward, ne mesurant pas toujours le caractère polémique de telle rencontre, des enjeux politiques ou sociaux. Il note quelques repères historiques comme la mention du débarquement de la baie des Cochons en 1961, la crise des missiles de Cuba du 14 au 28 octobre 1962, ou des repères culturels comme le film Vie privée (1962) réalisé par Louis Malle, avec Brigitte Bardot. La scène du procès lui permet de comprendre la perception que le public a pu avoir de cette affaire, du mode de vie de Stephen Ward et de Christine Keeler. S’il connaît déjà l’affaire Profumo, il en mesure mieux les enjeux et les paramètres, et il peut comparer ce qu’il lit aux souvenirs qu’il en a. Dans sa postface, le scénariste indique que : Les fins connaisseurs du dossier ne manqueront pas de relever les libertés que s’accorde ce livre avec certains faits ou chronologie d’une telle intrication que des milliers d’articles et des douzaines d’ouvrages plus ou moins fiables ne sont jamais parvenus à les mettre au clair. Jean-Luc Fromental explicite également l’intention de son projet : montrer à quel point cette affaire résulte d’un engrenage hallucinant de hasards, d’accidents, de maladresses, de rancœurs personnelles, de conflits d’intérêt, de raisons d’État, de voyeurisme et d’autres facteurs trop ténus et imprévisibles pour les identifier tous. Il permet d’illustrer que : Aucune théorie du complot ne résiste au démontage d’un mécanisme si complexe. Le lecteur prend fait et cause pour Stephen Ward puisque c’est sa version qu’il découvre, et que les mœurs ont évolué depuis rendant son comportement normal et acceptable. Il voit une classe sociale privilégiée utiliser les moyens à sa disposition pour parvenir à une résolution qui ne les accuse pas. Dans le même temps, les Swinging Sixties prennent leur essor, remettant quand même en cause leur privilège. S’il ne dispose pas de connaissance préalable sur l’affaire Profumo, le lecteur s’interroge sur le caractère un peu racoleur de la couverture, sur le titre cryptique. Il découvre alors une narration visuelle très fournie, avec une mise en couleurs profonde et confortable, pour un récit en apparence feutré, et sans pitié dans le fond. S’il connaît déjà l’affaire, il se remémore les faits, et les considère sous l’angle du principal condamné, avec une perspective sociale qui s’en trouve accentuée. Il prend la mesure de l’imbroglio défiant l’entendement, fruit de circonstances arbitraires, mettant en lumière l’impossibilité pour des êtres humains à concevoir ou mettre en œuvre un enchevêtrement aussi complexe pour aboutir à cette configuration. Magistral.

30/10/2024 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Si Profumo a laissé son nom à cette célèbre affaire de mœurs et d’espionnage du début des années 1960 (il est ministre, membre de l’establishment), la principale victime en a en fait été Stephen Ward. C’est ce dernier que Fromental a choisi comme narrateur de l’histoire, ce qui a le mérite de montrer les rouages de l’engrenage médiatique et politique à l’œuvre, mais aussi de décentrer l’intrigue, pour mettre en avant le scandale de mœurs, au détriment du scandale politique. L’intrigue est fluide et agréable à suivre. Mais elle est aussi un peu linéaire et mollassonne (ce que le dessin d’Hyman, à la fois clair et statique, un peu froid dans son rendu) accentue. Cela peine à rendre la passion, voire l’hystérie qui a catapulté cette affaire au rang d’affaire d’État, en pleine guerre froide, et alors que la libération sexuelle n’avait pas encore marqué de son empreinte la société londonienne. Une affaire débordant d’hypocrisie concernant la presse à scandale et une bonne partie de l’opinion publique – sans parler des services secrets, qui connaissaient les faits, leur manque de profondeur, mais qui ont laissé s’emballer la cabale. Une intrigue bien ancrée dans son époque, mais qui m’a laissé quelque peu sur ma faim, par manque de rythme et de passion. Peut-être ce côté « clinique » de la narration compense-t-il le déchainement médiatique et judiciaire de l’époque contre Stephen Ward.

29/03/2023 (modifier)
Par Cleck
Note: 2/5
L'avatar du posteur Cleck

La belle déception que voilà ! L'histoire d'un scandale politique sexuel au Royaume-Uni, révélant l'hypocrisie de nos sociétés et de nos élus, la corruption des élites, une histoire d'espionnage aussi (dans le contexte alors brûlant de la guerre froide)... Un beau sujet donc, servi par deux auteurs intéressants. Mais pourquoi ce raté ? La faute principalement à un scénario mal ficelé, incapable de gérer le rythme ni de présenter les personnages et enjeux avec clarté et sans lourdeur. Les illustrations demeurent belles et l'histoire intrigante. On quitte cette BD en doutant de notre bonne compréhension de celle-ci, sentiment toujours désagréable et dont le lecteur dans le cas présent n'est nullement fautif. Dommage.

15/02/2023 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

L'affaire Profumo est un scandale politique qui a secoué le Royaume-Uni en 1963. Mêlant histoires de mœurs, politique et espionnage, il mettra à mal le ministre anglais de la guerre d'alors, John Profumo. Mais ce sera par les yeux de celui qui portera finalement le chapeau pour tous les autres devant la justice que nous suivrons cette histoire de l'intérieur. L'homme en question se nomme Stephen Ward, ostéopathe et dandy, côtoyant les grands de ce monde et réputé notamment pour les jolies filles qu'il est à même de leur présenter. Christine Keeler a emménagé chez lui. C'est une belle jeune femme issue de la plèbe avec qui il aura une relation particulière de père à fille, ou de maître à élève, l'éduquant à fréquenter le grand monde et à séduire les puissants. Entre les actes de celle-ci d'un côté, et les intrigues de ses contacts et amis au MI5 d'un autre côté, Stephen va mettre le doigt dans un engrenage dont il sera la victime principale. Le dessin rétro et élégant de Miles Hyman correspond bien à cette époque d'après-guerre et à ses milieux feutrés. La rigidité relative de son trait s'apparente à celle de ces gentlemen anglais à l'hypocrisie parfois manifeste. Ce n'est que par la profusion de détails qu'on constate qu'il s'agit bien d'une histoire vraie, car le scénariste la met en scène comme une intrigue policière et sociale, brodant ici et là autour des faits établis pour éviter de donner à son intrigue un aspect documentaire. C'est aussi une histoire complexe, mêlant des intrigues relationnelles entre membres de la haute société anglaise et petits malfrats amenés par les fréquentations de Christine Keeler, des histoires d'espionnage entre URSS et Angleterre sur fond de Crise des Missiles, des histoires de sexe, de courtisanes et d'adultère, et enfin un scandale politique en règle orchestré par les médias et des adversaires parlementaires. C'est une lecture dense et sérieuse. Elle est intéressante et instructive par bien des aspects sur la société britannique de cette époque et sur la manière dont ce scandale va la faire passer de l'après-guerre rigide à l'euphorie des années 60.

11/10/2022 (modifier)