La Fange (The Grot)

Note: 3.6/5
(3.6/5 pour 5 avis)

Dans une ville marécageuse et dystopique, deux frères découvrent le règne du profit et de l’opportunisme, au cœur d’une ruée vers la fortune impitoyable et sans vergogne. Mais de la horde qui se précipite vers les marais, ou de celle qui cherche à tout prix à les fuir, qui est le plus malin ou le moins fou ?


Après l'apocalypse... Australie Les petits éditeurs pendant la pandémie Océanie Top Shelf Productions Utopies, Dystopies

Penn et Lipton Wise arrivent à Falter City pour y faire fortune. Là est l’avenir, évidemment, car la situation du pays est plutôt sombre : le paysage australien est dévasté, la peste sévit sans relâche ; les machines fonctionnent à plein régime tandis que s’épuisent les pauvres qui les pédalent. Tout est plus moite et plus chaud qu’auparavant : l’atmosphère est celle d’une aisselle humide. Les frères Wise espèrent bien s’implanter dans cette ville en décrépitude, mais doivent se tenir sur leurs gardes, car l’endroit fourmille de prostituées, d’escrocs et de canailles. Typiquement le genre d’endroit où un imbécile chanceux peut faire fortune l’après-midi et tout perdre avant la nuit. L’endroit parfait pour deux adolescents entreprenants, qui pourraient enfin, vraiment, faire quelque chose de leur peau. Ou du moins le pensent-ils…

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 09 Octobre 2020
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série La Fange © Ici Même 2020
Les notes
Note: 3.6/5
(3.6/5 pour 5 avis)
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03/12/2020 | PAco
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L'avatar du posteur Noirdésir

Étonnante cette histoire, qui se déroule, comme l’indique le titre, dans la fange. Un univers, une cité, qui concentre, au milieu de la boue, les rebus d’une société qui semble elle-même franchement en déliquescence. Un univers glauque donc. Si le héros est, par sa naïveté et ses valeurs d’honnêteté une exception (et une cible pour les aigrefins pullulant dans la ville surpeuplée et décrépite de Falter City) au milieu de cette fange (son frangin est plus malin et retors), c’est avant tout l’univers dans son ensemble que j’ai trouvé à la fois original et intéressant. En effet, par-delà ces décors de fin du monde, c’est aussi une sorte de parabole sur le capitalisme qui nous est donné à voir par cet auteur que je découvre ici. D’ailleurs, le fait qu’il soit australien, et l’aspect de certains véhicules aperçus dans les premières pages m’ont un temps fait penser à un Mad Max du pauvre [tous les véhicules sont actionnés par des esclaves pédalant] – mais il n’en est rien. A toute chose malheur est bon est-on tenté de dire pour ce capitalisme de la mouise, où un certain grotesque, un peu d’humour noir, côtoient de l’aventure plus classique (proche parfois d’un western, Falter City ressemblant à une ville de pionniers où loi et morale sont fluctuantes). Une lecture que j’ai appréciée. Note réelle 3,5/5.

22/02/2022 (modifier)
Par Alix
Note: 3/5
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« La Fange » est un album original et assez horrifiant. « Falter City » est une ville cauchemardesque dans laquelle je ne survivrais personnellement pas longtemps, et les mésaventures de la famille Wise sont parfois drôles, mais surtout glauques. Il y a sans doute là une allégorie aux abus du capitalisme, de la loi du plus fort etc. mais je dois avouer que ma lecture se fit surtout au premier degré. La mise en image façon « comics indé » est réussie, avec un style « super crade » qui donne un charme fou à l’album. J’ai particulièrement apprécié les superbes pleines pages, qui fourmillent de détails que j’ai pris beaucoup de plaisir à explorer. Ce genre d’album un peu trash n’est pas forcément ma tasse de thé, mais je lirai certainement la suite (qui semble probable, même si ce tome se lit indépendamment).

23/06/2021 (modifier)
Par sloane
Note: 4/5
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Bienvenu au paradis de la libre entreprise, bienvenu à Falter City, le lieu de tous les possibles pourvu que vous soyez un jeune gars entreprenant qui n'a pas peur de se salir les mains. Salir est d'ailleurs ici un terme à prendre dans toute son acceptation, car c'est bien de la boue, de la fange que la richesse peut provenir. Nous faisons connaissance avec deux spécimens adolescents chapeautés par une mère avec un « m » majuscule. Penn et Lipton Wise sont des archétypes d'ados qui n'envisagent pas grand-chose pour leur avenir. Falter City va se charger de leur faire un passage à la vie d'adulte en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Dans une Australie dévastée par on ne sait quel fléau cette ville de tous les possibles n'est pas sans rappeler ces villes de l'Ouest américain au moment de la conquête de ce pays. Alors "La Fange" un western ? Sans doute, mais sans les codes inhérents au genre, quoique. Comme dit par Blue Boy dans son avis nous avons là une puissante allégorie du capitalisme dans tout ce qu'il a de sauvage et où c'est bien la loi du plus fort qui l'emporte. Voilà donc un récit plus intelligent qu'un feuilletage rapide pourrait laisser paraître, non dénué d'humour. Le dessin un brin caricatural se laisse apprivoiser, l'important, c'est qu'il soit immersif, vous n'aurez plus qu'une envie après votre lecture, prendre une douche afin de nettoyer toute cette boue. Si une suite voyait le jour je serais partant.

28/01/2021 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Il n’est pas si courant d’avoir dans les mains une bande dessinée signée d’un auteur australien, et celle-ci constitue assurément une des belles surprises de cette fin d’année. Pat Grant signe là sa seconde bande dessinée (après « Blue », parue en 2012), et c’est une vraie réussite de la part de ce jeune auteur adoubé par Craig Thomson. Avec ce « western dystopique totalement hors-normes », tel que le qualifie très justement l’éditeur Ici Même, Grant nous emmène dans un pays qui pourrait bien être le sien, une Australie entre présent et futur qui nous fait revisiter le mythe de la ruée vers l’or à la sauce Mad Max light, avec de faux airs de « Triplettes de Belleville » et une pincée de Covid-19. Cette fable haute en couleurs, en apparence bien barrée si l’on ne se fie qu’au style graphique, sorte de croisement entre South Park et les Simpsons, se révèle beaucoup plus profonde qu’il n’y paraît. Contre toute attente, le scénario reste fluide et bien construit, et malgré des dialogues parfois nonsensiques, la mayonnaise prend assez vite et parvient à captiver le lecteur jusqu’à la dernière page. Malgré la rondeur du trait, les personnages dégagent une hargne et une bêtise primaire, certains apparaissant même inquiétants. Dans cette jungle qu’est Falter City, cette ville surpeuplée, sale et puante où les escrocs sont légion, impossible de ne pas devenir parano… Les scènes de foule évoquent par moment les tableaux de James Ensor et ses visages difformes au rictus effrayant. Dès que les deux jeunes hommes, couvés par leur maman, poseront le pied dans la ville en décrépitude — où une « nouvelle peste » sévit dans les quartiers les plus pauvres, allusion à peine voilée à notre coronavirus —, on se doute que tout finira mal, surtout pour Lippy, d’une honnêteté qui tranche avec l’immoralité de sa mère, représentée telle une mère maquerelle obèse… De ces deux frères, que tout sépare sauf peut-être une certaine bêtise innée — Penn est un beau gosse enjôleur et Lippy apparaît gras et bouffi, constamment inquiet — on comprend vite que le second, le chouchou de maman qui l’a chargé de gérer la petite fortune familiale, se fera bouffer tout cru… « La Fange », récit tragi-comique sur la déchéance de ceux qui croient pouvoir s’offrir un lit de rose sans les épines, s’avère, sous ses airs de ne pas y toucher, une allégorie sordide et saisissante du capitalisme dans toute sa splendeur. Ce capitalisme qui, tout en prétendant défendre la liberté, précipite les âmes dans la fange de l’avidité et de l’individualisme et transforme l’environnement en cloaque nauséabond, capable de recycler à l’infini la pourriture en comprimant notre temps de cerveau disponible. Loin d’être mainstream, cette œuvre aussi grinçante qu’originale est chaudement recommandée pour prendre un peu de recul par rapport à cette ambiance de fin des temps que nous connaissons depuis bientôt un an…

21/12/2020 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Les bandes dessinées australiennes ne sont pas légion dans mes lectures, et je dois dire que cet album qui fait maintenant parti de la sélection pour Angoulême 2021 a de quoi surprendre ! Tout d'abord par son sujet ; cette Australie dystopique dévastée où chacun cherche à s'en sortir et se refaire n'est pas sans rappeler la conquête de l'Ouest américain du XIXe. On ne sait ni pourquoi ni comment le pays ou le monde en est arrivé là, mais la famille Wise compte bien faire fortune en se rendant à l'eldorado du moment : la ville croupie de Falter City. Située dans une zone marécageuse où tout ne semble que boue, miasmes et remugles, Falter City concentre toute la faune humaine que ce genre de mirage à fortune fait miroiter. Escrocs, prostituées, arnaqueurs et autres morbachs y pullulent pour profiter de cette population crédule qui y débarque pour s'enrichir. C'est donc dans ce "petit paradis" que débarquent Penn et Lipton Wise, accompagnés de leur mère pour y monter leur entreprise de yaourts fermentés. Cette dernière leur lègue l'entreprise familiale en arrivant, et nos deux frangins vont vite être dépassés par cette arène grouillante et suintante où ils se sont enlisés... Cette plongée dans cet univers quasi post-apocalyptique est rapidement immersive, même si au début, un peu largués comme nos protagonistes, on ne sait pas trop de quoi il retourne. Mais les personnages sont vite attachants, entre un frangin un peu benêt et l'autre un peu débrouillard, on se fait rapidement happer par leur destin dans cette fourmilière hostile. Pat Grant a du talent pour accrocher son lecteur et son trait qui n'a pas été sans me rappeler d'un certain côté celui de Gilbert Shelton et ses fabuleux Freak Brothers n'y est pas anodin. A la limite de la caricature, ce trait exagéré qui se joue des expressions des visages comme des perspectives de ses décors vise l'essentiel pour nous immerger dans l'univers qu'il construit. J'ai pour ma part dévoré ces 200 pages et c'est comme à regrets qu'on referme cet album où malgré la pesanteur ambiante de ce petit monde on finit par apprécier ce nouveau monde qu'on vient de nous faire découvrir. Petit espoir tout de même, Pat Grant dans ses facéties de fin d'album n'exclut pas de nous offrir un nouvel opus dans cet univers dystopique. Moi je dis oui ! UNE SUITE !

03/12/2020 (modifier)