Voilà un moment que cet album avait tendance à redescendre régulièrement en bas de ma pile de bouquins à lire à cause du côté un peu aride de son illustration à base de gravures. Non pas que je n'aime pas ces dernières, bien au contraire, mais bon, on a parfois tendance à me laisser porter par la facilité. Prenant mon "courage" à deux mains je me suis enfin lancé dans sa lecture cette semaine et grand bien me fit !
Car d'une, la Commune de Paris est une de mes périodes historiques préférées, ensuite parce que son traitement tellement original par Raphaël Meyssan est une vraie réussite. Car il fallait oser et surtout réussir à composer quelque chose de vivant narrativement parlant et de cohérent en n'utilisant que des gravures d'époque. Ce fut également très instructif, (d'autant plus en cette période un peu insurrectionnelle chez nous) et moi qui pensais avoir une vision assez large de la Commune je me suis surpris à découvrir beaucoup de choses et d'en apprendre des vertes et des pas mûres sur nos chers dirigeants, toujours si prompts à vendre et trahir tant qu'ils peuvent en tirer profit ou sauver leur peau. Rien que ce cher Jules Ferry adulé pour avoir instauré l'éducation gratuite et obligatoire fut en réalité une belle ordure. Maire de Paris à ce moment tragique de l'histoire de notre capitale assiégée par les prussiens, il fit tirer sur la foule !
Voilà donc un premier tome des plus réussis et très documenté qui devrait ravir les amateurs d'Histoire, de gravures mais également les curieux de notre histoire souvent édulcorée que nous renvoient ces chers manuels scolaires... Ce sont bien les vainqueurs qui écrivent l'histoire, soulever le voile sur quelques vérités est parfois salutaire.
Raphaël Meyssan s’attaque ici à un beau sujet – injustement occulté par l’histoire officielle, quand il n’est pas travesti – à savoir la Commune de Paris. Il le fait de façon originale et très ambitieuse. En effet, il se lance dans ce premier tome à la poursuite d’un leader communard, qui aurait vécu dans son quartier.
Mais ce qui fait toute l’originalité de son travail, c’est qu’il ne dessine pas, il ne fait qu’utiliser des documents d’époque : journaux, livres, documents officiels (rapports de police par exemple). Au milieu des gravures d’époques, se glissent des encadrés (commentaires off) et des bulles pour faire dialoguer ces personnages de papier.
Le travail préparatoire, de recherche, a dû être énorme, ce que le dossier final confirme. Chaque illustration utilisée – gravure essentiellement – y est référencée.
Si le rendu peut paraître aride, moi qui aime bien la gravure – y compris dans les collages surréalistes (de Max Ernst ou d’autres), ça me convient très bien.
Reste le déroulé de l’intrigue qui, comme pour le titre de la collection dans laquelle il est publié chez Delcourt, mêle Histoire et histoires. Ce premier tome s’étend du début de l’année 1870 à la prise de pouvoir dans Paris de la Commune (après l’échec du gouvernement versaillais de s’emparer des canons parisiens).
On sent bien l’empathie de l’auteur pour les idées communardes, et plus encore pour ceux qui les ont incarnées, jusqu’au bout de la souffrance. En cela le personnage de Victorine, parisienne mêlée aux événements, à la tragédie surtout, est une sorte de relais pour l’auteur, rendant plus vivant ce récit, lui donnant chair et palpitations.
Et l’enquête menée par le narrateur pour retracer la trajectoire de ce communard presque voisin – à un siècle et demi d’intervalle, la vie de Victorine, tout cela est très bien lié aux événements parisiens, Raphaël Meyssan éclairant bien les tenants et aboutissants des décisions des Républicains, mais aussi des Bonapartistes, des monarchistes, et de Thiers et sa clique, prêts à tout pour éviter une révolution populaire, pourtant portée par les idéaux d’une République qu’il était censé diriger (il est vrai élu après une parodie d’élection, entouré d’élus absolument pas représentatifs de la population).
Le tome suivant (et dernier je pense ?) verra l’affrontement entre Communards et Versaillais, et je l’attends en tout cas avec impatience.