Auteurs et autrices / Interview de Yacine Elghorri

Yacine Elghorri, auteur de Gunman et Factory chez Carabas, répond aux questions de BDtheque.

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Yacine Elghorri Salut Yacine, pourrais-tu te présenter ?
Simple artiste, avec tous les défauts inhérents : égocentrisme, narcissisme, complexe de supériorité...

Tu as passé 4 ans à Los Angeles, où tu as travaillé comme storyboarder, illustrateur et concept designer sur des films et dessins animés (notamment sur l'excellent Titan A.E. !) Raconte-nous un peu cette expérience.
Oui c'était assez fou comme histoire. Les USA c'était un rêve et de la pure ambition. J'avais commencé par envoyer mon portfolio aux studios de Los Angeles mais comme je n'avais pas de réponse, j'ai pris un billet d'avion et je suis allé démarcher sur place. C'est ce qu'il y avait de mieux à faire. J’ai passé des tests un peu partout et j'ai finalement été engagé chez « Rich Animation Studios » comme animateur aux effets spéciaux. De là je suis allé chez « Fox » à faire du story-board et du design sur "Titan A.E" et ensuite sur Futurama toujours pour la Fox. J'ai fait plein d'autres choses un peu partout : pubs, affiches, sans compter les projets avortés comme il y en a plein à Los Angeles.

J'ai surtout rencontré des gens remarquables, des artistes géniaux dont on n'entend pas parler mais qui m'ont vraiment inspiré et motivé. Quand tu reviens en France riche de cette expérience, tu te sens forcément plus fort mentalement. Un peu plus "aware", c'est à dire que tu as conscience des choses qui t'entourent...

Comment en es-tu venu à faire de la BD ? Es-tu toi-même un fan de BD, manga et/ou comics ?
J’ai commencé par la BD en fait. Je dessinais dans des fanzines pendant mon adolescence. Ensuite je suis allé au CFT Gobelins, une école d'animation sur Paris. Parallèlement je travaillais chez Glénat pour le magazine "Kaméha" où je faisais la mascotte "Sushiman". A Los Angeles aussi je dessinais pour la revue "Heavy Metal". Donc en fait je n'ai jamais laissé tomber la BD et je n'y suis pas arrivé par hasard non plus, ça a toujours été mon premier but.

En ce qui concerne les mangas et comics, je ne retiens que des auteurs comme Katsuhiro Otomo, Katsuya Terada, Richard Corben, Alan Moore et Simon Bisley. J'en lis plein d'autres mais ce sont ceux qui m'inspirent le plus.

Accéder à la fiche de Gunman Quels sont tes coups de cœur du moment ?
J'aime beaucoup Das Pastoras qui vient de faire Castaka avec Jodorowsky : superbe dessin ! Admirable artiste... je connaissais déjà son excellent travail sur Les Hérésiarques et ses histoires courtes parues aussi dans "Heavy metal" aux USA. J'avoue qu'il a un talent redoutable.

Sinon je peux aussi citer Baru, Beb Deum et Sergio Toppi entre autres.

Ton premier projet BD, Gunman, a été réalisé en collaboration avec Gabriel Delmas. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Parle-nous un peu de ce projet.
C’est un western cyber-punk-animalier en noir et blanc très funky. J'ai rencontré Gabriel pendant une séance de dédicace. Je lui ai proposé Gunman dont j'avais déjà le titre et deux, trois scènes dans ma tête. Ça a tout de suite accroché car nous avons la même passion pour la BD et a peu près les mêmes goûts.

Nous l'avons présenté aux éditions Carabas qui ont accepté de suite. Ils sont très bien, très innovateurs. Tout s'est fait très vite et dans les meilleures conditions. C’est très rare et j'en garde un excellent souvenir même si les 70 pages m'ont pas mal épuisé mentalement.

Ton dessin a été comparé à celui de Katsuhiro Otomo. Reconnais-tu cette influence ? J'imagine que ce genre de remarque doit te faire plaisir ? D'autres influences ou auteurs que tu admires ?
Bien sûr ! J’en suis très fier et je l'ai même rencontré à deux reprises aux USA et à Paris. C'est mon auteur préféré et il est très difficile de dessiner "à la Otomo" car c'est vraiment du top niveau ! Je ne connais que Marini qui y arrive, bien qu'il s'en soit détaché depuis. J'ai aussi d'autres influences : Liberatore, Moebius, Bilal et Bisley. Je pars du principe qu'il faut s'inspirer de ce qui se fait de mieux en BD. Si j'étais sculpteur je m'inspirerais de Michelangelo ou Rodin. Et si j'étais architecte, ce serait Gustave Eiffel... etc.

Accéder à la fiche de Factory Cette année a vu la parution de ton premier projet solo, Factory. Parle-nous un peu de ce projet ?
Les éditions Carabas sortaient une nouvelle collection de trente pages couleur. Ça tombait bien pour moi car je voulais me relaxer après Gunman et faire justement de la couleur. Un truc genre "Bestial" (paru chez le même éditeur dans la collection Petits Chats Carrés) mais plus poussé tout en gardant la même technique de dessin.

C'est en feuilletant le National Geographic que j'ai pensé à cette histoire de famine sur une planète inhospitalière. Je me suis demandé ce que ça donnerait si j'y ajoutais des éléments fantastiques : des robots, des mutants, etc. C'est une histoire simple et compliquée à la fois à cause du nombre de personnages. Le deuxième tome qui sort en février 2008 apporte beaucoup plus d'éléments.

Aujourd'hui tu enseignes aussi le story-board et le design dans des écoles d'animation. Comment partages-tu cette activité avec la BD ? J'imagine que les deux sont connectés ?
En fait je suis intervenant. C'est à dire que je forme les élèves au design, création de personnages pour le dessin animé et le story-board avec les termes techniques et les règles du découpage. Je ne fais pas référence à mes BD dont la plupart des élèves ne sont pas au courant.

C'est très reposant et j'adore communiquer avec les jeunes étudiants, les encourager, les motiver. Certains me demandent des conseils sur un parcours éventuel qui les tenterait aux Etats-Unis. Je suis passé par là alors je les comprends parfaitement et nous partageons les mêmes passions.

Visuel du tome 2 de Factory Ma méthode de travail sur mes BD est différente car j'y vais au "feeling" en m'écartant des règles parfois avec mes cadrages souvent très serrés.

Quels sont tes projets actuels et futurs, BD ou autre ?
Je n'ai que Factory t3 de prévu pour l'instant. Mais je réfléchis à ce que je pourrais faire d'autre. Ce qu'il me faudrait surtout c'est ne plus faire de SF. Mes thèmes ont trop souvent été utilisés et je ne fais que répéter ce que d'autres ont fait bien mieux que mieux que moi, bien avant moi.

Si je dois apporter quelque chose à la BD actuelle il faut que je trouve ma voie et avec plus de maturité je pourrai revenir à la SF et là ce sera différent.

Merci Yacine, bonne chance pour la suite de ta carrière !
Interview réalisée le 27/11/2007, par Alix.