Auteurs et autrices / Interview de Roderic Valambois

Entretien avec Roderic Valambois, également connu sous le pseudo de Rod, alors que le troisième et dernier tome des enquêtes d’Andrew Barrymore squatte toujours les rayons nouveautés des bonnes librairies.

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Roderic Valambois Roderic, bonjour. Traditionnelle question d’ouverture : peux-tu te présenter en quelques mots ?
J'ai 39 ans et je suis dessinateur et scénariste de bandes dessinées. Voilà, voilà…

Je crois savoir que tu as effectué tes études à Tournai. Pourquoi ce choix ? La France compte pourtant plus d’une école renommée en matière de bande dessinée. Ceci dit, en tant que Belge, je suis toujours fier de voir des étrangers choisir le plat pays qui est le mien pour y mener leurs études ;-)
Je suis entré à l'académie des Beaux-Arts en secondaire car j'avais choisi une filière arts-plastiques pour passer le bac en France, mais ça ne me convenait pas beaucoup. D'ailleurs j'ai raté ce bac deux fois avant d'aller à Tournai.

Que retiens-tu des années passées là-bas ?
Pour moi c'étaient les meilleures années scolaires de ma vie, j'ai découvert le dessin là-bas. En arrivant je ne savais pas ce qu'étaient des pastels, de l'aquarelle ou du fusain. Les profs de cette école m'ont beaucoup apporté sur le plan technique, et surtout une certaine façon de voir les choses.

Accéder à la BD Les Enquêtes d'Andrew Barrymore C’est avec Les Enquêtes d'Andrew Barrymore que tu te fais connaître du grand public. La série navigue entre western et policier et présente un découpage très classique, à l’ancienne serais-je même tenté de dire. Pourquoi de tels choix ?
Avec Nicolas, nous avions envie de faire une bd à l'ancienne justement, comme celles que nous lisions quand nous étions enfants. Ceci explique que nous avons opté pour un découpage plus serré, plus dense que ce que nous avons l'habitude de voir maintenant.

C'est du quatre strips, il n'y a pas de mise en scène de type cinématographique, ni trop de place laissée au développement de la psychologie des personnages. Celle-ci se développe naturellement par leurs actions. C’est ce qui nous permet de raconter une nouvelle aventure entière en 46 pages, cela n’aurait pas été possible autrement.

Tiens, au fait ! Au départ, je croyais que ton prénom était Jean-Mary. C’était en tous les cas celui renseigné par Dargaud. D’où vient cette confusion ?
Je ne saurais te dire d’où vient l’erreur mais Jean-Mary était en réalité le prénom de mon père. C'était un gros collectionneur de bd et je pense que ça lui aurait fait plaisir de voir son nom sur le site de Dargaud.

Quelle fût l’importance de Nicolas Delestret dans l’élaboration de cette série ?
Nous avons fait le scénario tous les deux et c'était assez sympathique de se renvoyer la balle à tour de rôle. Ce qui m'a bien plu, c'est d'avoir la sensation de ne pas faire de concession. Si je balançais une idée qui ne lui plaisait pas, il rebondissait dessus et proposait quelque chose qui améliorait l'histoire et vice versa. Je pense que nous venons de deux univers assez différents, mais c'est cela qui a fait que ça a bien fonctionné. L'un comme l'autre nous n'arrivions pas avec un gros bulldozer pour imposer notre point de vue mais pour créer la meilleure histoire possible.

Cliquer pour voir une planche de Les Enquêtes d'Andrew Barrymore En plus, Nicolas m'a beaucoup apporté au moment du découpage, du dessin et de la mise en couleur étant lui-même dessinateur. C'est d'ailleurs lui qui a fait le croquis de la couverture du dernier album.

Ton style y oscille entre tradition et modernisme, avec notamment ces aplats de couleurs. Ce style s’est-il imposé de lui-même ou l’as-tu développé spécifiquement pour la série, histoire de répondre au fameux adage qui veut qu’un dessin doit être en osmose avec l’histoire ?
J'essaie simplement de trouver à chacune de mes histoires un dessin qui lui colle, même si on peut toujours y retrouver des similitudes de temps en temps. Je passe beaucoup de temps sur la recherche de personnages, pour qu'ils collent à la personnalité que je me fais d'eux.

Après trois tomes, la série s’est clôturée. Problème de ventes ou envie de passer à autre chose ?
Et bien… c'est la crise pour tout le monde, ma bonne dame.

Tiens ? Y a-t-il des clauses dans vos contrats, quand vous commencez une série, qui déterminent directement le nombre minimum de tomes qui pourront voir le jour ? Et un nombre minimum d’albums vendus à atteindre ? J’ai déjà si souvent vu des séries se terminer après trois tomes que je me demande souvent si une évaluation n’est pas systématiquement effectuée après cette échéance…
Au début de l’aventure, nous avons signé pour les trois premiers tomes. Et je crois que les éditeurs estiment que si la série n'a pas décollé au bout de trois tomes, il y a peu de chance pour qu'elle décolle ultérieurement en termes de ventes. Ce en quoi je ne leur donnerai pas forcément tort. Mais j'avoue que cette partie-là du travail est nettement celle qui m'intéresse le moins.

Cliquer pour voir une planche de Les Enquêtes d'Andrew Barrymore Tu pourrais un peu préciser cette notion de décollage ? Vous avez des objectifs chiffrés à atteindre dans vos contrats pour une éventuelle reconduction de ceux-ci ? Genre : vendre 6.000 albums du premier tome ou progresser de 20% en vente par nouveau tome édité ?
Honnêtement, ça fait partie de ce que j'ignore un peu dans le travail d'auteur de bd, mais un copain libraire m'avait dit à l'époque qu'il faut tourner autour de 6.000 exemplaires pour que la série soit viable.

En fait, sur notre contrat, il n'est rien stipulé par rapport à cela. Mais, après les trois premiers tomes, la maison d'édition a décidé de ne pas poursuivre. Nous en avions déjà discuté ensemble quand nous avions eu les chiffres de vente des deux premiers tomes, donc on n’a pas spécialement été surpris. Je ne sais pas comment ça se passe en général, mais pour nous cela s'est fait en toute intelligence entre nous et la maison d'édition.

Le personnage principal de la série, Andrew Barrymore, m’aura souvent fait penser à Jérome K Jérome Bloche (et pas seulement pour la couleur de ses cheveux ou ses lunettes). Hasard, influence inconsciente ou réel hommage ?
Quand je travaillais sur l'élaboration des enquêtes d'Andrew Barrymore je me suis retapé toute la série des Jérôme K Jérôme Bloche, donc c'est loin d'être un hasard mon cher Watson !

A ce que l’on peut voir sur ton blog, tu sembles travailler actuellement sur deux nouveaux projets. Peux-tu nous en toucher un mot ?
Il s'agit de deux projets complètement différents. Le premier est un récit autobiographique (qui va raconter quoi ? ben ma vie…) et le deuxième une histoire de s-f un peu barrée avec des extraterrestres qui s'appellent François, des chats de l'espace, des androïdes féminins nymphomanes qui ont des lasers qui sortent des yeux et une planète menacée de destruction.

Cliquer pour voir une planche Ah oui ! Quand même… Ces projets déboucheront-ils sur des albums ?
Inch'allah…

Aujourd’hui, parviens-tu à vivre de la bande dessinée ? Sinon, quelles sont tes autres sources de revenus ?
Oui, c'est mon travail. Je donne aussi quelques ateliers de bd à côté, mais l'essentiel est mon travail d'auteur de bandes dessinées. A ce jour je n'ai eu à vendre aucun de mes organes, je croise les doigts pour continuer ainsi avec mes deux reins.

Penses-tu qu’une évolution du statut d’artiste soit nécessaire en France ?
Si j'en juge par mon expérience, je dirais que je n'ai pas trop à me plaindre, mais en général je ne me plains pas trop et c'est peut être aussi ça le problème. Mais bon, je pense qu'en France, au niveau auteur de bd c'est plutôt pas mal.

Roderic, un grand merci pour le temps que tu viens de nous consacrer et bonne continuation dans ta carrière. Un petit mot en guise de conclusion ?
Soyez nombreux à lire les enquêtes d'Andrew Barrymore ! Ceux qui l'ont lu ont adoré.
Interview réalisée le 25/10/2012, par Mac Arthur.