Les interviews BD / Interview de Philippe Charlot

Rencontre avec Philippe Charlot, un scénariste qui connait la musique ! Son dernier album en date, "Le Train des Orphelins", a fièrement figuré dans notre top nouveauté…tout comme le précédent, d’ailleurs, "Karma Salsa". Deux bonnes raisons pour chercher à en apprendre un peu plus sur le gaillard !

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Philippe Charlot Philippe Charlot, bonjour. Pourriez-vous vous présenter en une passion (autre que la bande dessinée), une qualité, un défaut et un personnage qui vous inspire ?
Alors, dans l’ordre : la musique, la persévérance, l’insatisfaction et Pemberton de Syrius.

Quelle formation avez-vous suivie ?
Autant qu’on puisse l’être, je suis autodidacte, aussi bien en musique qu’en scénario, même si on apprend énormément lors des plus simples échanges, si on aime écouter.

Lorsque l’on regarde vos différentes œuvres, deux points d’ancrage apparaissent clairement : la musique et l’Amérique. Parce que « l’on ne parle bien que de ce qui nous attire » ?
Parce que l’on parle mieux de ce que l’on connaît un peu.

Accéder à la BD Bourbon street Peut-on dire que Bourbon street est l’exemple même de ce que vous aimez ? Le swing, l’amitié, la passion !
J’adore la musique de ces années 30 / 40 qui ont vu l’éclosion du jazz des deux côtés de l’Atlantique : les grands orchestres mythiques et les petits combos anonymes. La musique relie les êtres et les peuples, elle rend parfois les hommes meilleurs… le temps d’une chanson !

Comment vous est venue l’idée de ce narrateur fantomatique ?
Je voulais un narrateur omniscient pour ce premier projet, je sentais qu’il me serait utile pour retransmettre ce qui se passerait dans les scènes musicales, ce que vivaient les musiciens dans ces moments là. Quoi de mieux qu’un fantôme, il apparaît et disparaît à volonté, il sait tout du passé et peut-être même de l’avenir… une aubaine pour un scénariste.

Accéder à la BD Harmonijka Avec Harmonijka, vous vous essayez à la biographie. Comment avez-vous rencontré Greg Zlap ?
C’est Daniel Bultrey, alors directeur de collection chez Glénat, qui me l’a présenté. Il cherchait un scénariste musicien… nous ne sommes pas très nombreux sur la place, c’est moi qui ai remporté la timbale. J’ai beaucoup aimé travailler sur ce projet très atypique : le biopic d’un bluesman… vivant ! Une première !

Comment s’est articulée la répartition des tâches entre lui et vous pour la réalisation de ce scénario ? Avait-il déjà un scénario préparé que vous avez retravaillé ou ce scénario s’est-il construit au fil de discussions entre vous ?
J’ai des heures d’enregistrement de conversations avec Greg. Ensuite, j’ai essayé d’en tirer ma propre vision de son histoire, avec ce qu’elle suscitait d’échos en moi. Un travail passionnant, avec un personnage d’exception.

Accéder à la BD Karma Salsa Avec Karma Salsa, vous sortez pour la première fois du domaine musical (malgré l’allusion qui y est faite dans le titre). Considérez-vous cela comme une évolution naturelle ? Les premiers albums réalisés dans un domaine que vous maîtrisez puis de nouvelles productions plus aventureuses…
Je ne veux pas être enfermé dans le rôle du scénariste qui n’écrit que sur la musique. Evidemment cela m’a entrouvert quelques portes au début mais je veux pouvoir écrire toute histoire qui me tiendrait à cœur.

L’idée de départ était-elle de Joël Callède ou de vous-même ? Et pourquoi une collaboration entre vous deux (proposée par la maison d’édition ou simplement rassurante pour vous avec un auteur qui a déjà fait ses preuves dans ce genre d’univers) ?
L’idée de départ vient de Fred Campoy, il avait tout un tas d’envies et a demandé à Joël de les mettre en bon ordre. Joël m’a proposé une collaboration, il venait de déménager de Pau à Bayonne et c’était aussi pour nous une façon de continuer à se voir… les terrasses du pays basque sont particulièrement accueillantes ! Joël et moi travaillons habituellement dans des registres assez différents et c’est très enrichissant de confronter nos deux univers.

Le scénario est-il déjà écrit jusqu’à son terme ?
Oui, bien sûr ! Je n’imagine même pas que l’on puisse faire autrement !

Accéder à la BD Le Train des Orphelins Enfin vient Le Train des Orphelins. Avec cet album, vous abordez un sujet en or ! Comment avez-vous découvert cette pratique plutôt étonnante et, me semble-t-il, assez honteusement cachée par les Américains ?
C’est Phil Lancaster, un musicien d’Austin avec qui je tourne aux Etats-Unis qui m’en a parlé. Avec sa femme, Alison Moore, qui est écrivain, ils donnent un spectacle multimédia sur ce sujet sensible. Lorsque j’en ai parlé à Hervé Richez, le directeur de collection de Grand Angle, il a été aussitôt emballé… ne restait plus qu’à écrire l’histoire… J’ai profité de deux tournées pour rencontrer la plupart des gens qui s’intéressent à ce sujet. J’en ai ramené des masses de renseignements, d’anecdotes… Avec la réalisatrice, Maïana Bidegain, nous travaillons sur un projet de documentaire pour lequel nous commençons à chercher un producteur… s’il en est un qui passe sur ce site, qu’il n’hésite pas à nous contacter ;0)

Est-ce que travailler avec Fourquemin produit plus de pression qu’avec un jeune auteur ? Xavier est extrêmement professionnel mais aussi très attentif et au service de l’histoire. C’est bien sûr un luxe de travailler avec lui et notre collaboration se passe à merveille. D’ailleurs nous sommes déjà en train de travailler sur un deuxième cycle du Train des Orphelins.

Cliquer pour voir une planche de Le Train des Orphelins Comment élaborez-vous vos scénarios... Vous notez vos idées dans un calepin ?
J’en ai plein mes tiroirs… des calepins pleins de pas grand chose… sauf de temps en temps!

... vous collectez de la documentation en attendant l’idée ?
Tout à fait ! C'est même un des grands plaisirs du métier. En fait, je recherche ma documentation principalement dans des livres et sur internet. J'adore cette étape, on se laisse guider au fil des renseignements collectés, on va de surprise en surprise, c'est comme partir à l'aventure... Je prends des notes sur des cahiers que j'ai toujours avec moi et que je ne relis souvent pas, puis au bout de quelques semaines, j'ai engrangé assez d'essentiel pour commencer à écrire.

... commencez-vous à écrire une histoire sans en connaître la fin ?
En général, j’aime avoir la fin de l’histoire dès que possible, cela m’aide à structurer mon récit !

... le scénario est-il susceptible de se modifier en fonction des désirs d’un dessinateur ?
Pas un ne s’y est encore essayé (sourire). Par contre, le ton de l’histoire peut évoluer en fonction du type de dessin et dans ce cas, j’essaye d’être réactif !


Entre la musique et la bande dessinée, comment répartissez-vous votre temps ?
Ce sont deux activités très complémentaires. Pas de jalousies, chacun fait un effort, alors le ménage à trois se passe plutôt bien… pour l’instant !

Quel est pour vous le dénominateur commun entre ces deux univers ?
La minutie, le goût du détail, du rythme, des ambiances… et juste ce qu’il faut de cabotinage pour rendre le tout assez attractif.

Philippe, un grand merci pour le temps que vous venez de nous consacrer. Un petit mot en guise de conclusion ?
La bande dessinée est à la musique ce que le Mont Athos est à la Fête de la Bière… et je passe de l’une à l’autre avec gourmandise et… soulagement (rires).
Interview réalisée le 30/10/2012, par Mac Arthur.