Auteurs et autrices / Interview de Patrick Hénaff

Rencontre avec Patrick Hénaff, dessinateur de Hedge Fund, une fiction basée sur la crise des subprimes qui a émergé aux États-Unis, dans le secteur des prêts hypothécaires à risque, à partir de juillet 2007. La série compte déjà trois tomes, et un quatrième, intitulé L'héritière aux vingt milliards, verra le jour en octobre prochain. Patrick Hénaff nous livre quelques secrets...

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Patrick Hénaff Simon Baert : Bonjour, Patrick. Avant de commencer, pourrais-tu te présenter ?
Patrick Hénaff : Bonjour, je suis un illustrateur de bandes dessinées français qui vit à Montréal. Je travaille actuellement sur la série Hedge Fund publiée aux Éditions du Lombard sur un scénario de Tristan Roulot et Philippe Sabbah.

S.B. : En dehors de Hedge Fund, à quelles autres œuvres graphiques as-tu collaboré ?
P.H. : Toujours avec Tristan Roulot j'ai dessiné une histoire de pirates en 2 tomes, Le Testament du Capitaine Crown, aux Éditions Soleil.

S.B. : Pour ceux qui n'auraient pas encore lu Hedge Fund, comment résumerais-tu l'histoire ?
P.H. : C'est l'histoire de Franck Carvale, petit vendeur d'assurances français, exilé à Hong Kong et qui rêve d'intégrer le milieu de la finance. Il va faire la rencontre d'Ergyu Bilkaer, une ancienne sommité de la finance internationale qui va lui mettre le pied à l'étrier et lui confier la gestion d'un Hedge Fund.

S.B. : Peux-tu nous dire ce qu'est un hedge fund ?
P.H. : C'est un fonds d'investissement peu réglementé, réservé à des investisseurs institutionnels ou accrédités, et qui offre des possibilités de levier très importantes.

S.B. : Bien que cette histoire soit une fiction, particulièrement par ses personnages qui n'existent pas dans la réalité, la crise des subprimes sur laquelle elle est basée a vraiment eu lieu. Dans quel genre la classerais-tu ? Selon toi, tient-elle plus de la fiction ou de la réalité ?
P.H. : C'est presque du docu-fiction. On suit des personnages fictifs évoluant dans un monde très réaliste, et croisant parfois des acteurs bien réels de la vie économique et politique.

Accéder à la BD Hedge Fund S.B. : Pourquoi avoir choisi d'adapter en bande dessinée le milieu de la finance ? Qui en a eu l'idée ?
P.H. : La bande dessinée permet de rendre vivant cet univers et de plus facilement comprendre ses mécanismes en les associant à des personnages qui vont les incarner. Tristan avait eu l'envie de faire une histoire autour de la finance après sa rencontre avec Philippe, banquier et passionné de BD.

S.B. : Es-tu marqué par cet univers de la finance ? Pourquoi ?
P.H. : Je ne suis pas particulièrement marqué par cet univers que je ne connaissais pas réellement, mais que j'ai découvert au fur et à mesure des albums.

S.B. : Pourquoi as-tu souhaité t'engager sur ce projet ?
P.H. : Parce que la place qu'occupe aujourd'hui la finance dans l'économie, la politique et plus généralement le pouvoir rend le thème intéressant et important. Après avoir à mon tour rencontré Philippe, et l'avoir entendu expliquer les rouages de la finance avec beaucoup de clarté et de pédagogie, j'ai eu envie, comme Tristan, de le faire partager aux lecteurs.

S.B. : Par moments, le cynisme est palpable, notamment dans le comportement, les réactions ou les réponses des personnages. Le but était-il de critiquer ce microcosme financier ?
P.H. : Le but était de présenter la finance sans l'embellir ou la diaboliser, mais aussi de montrer les conséquences que peuvent avoir des comportements déraisonnables. Des problèmes d'ordre moral apparaissent, mais qui ne sont pas limités au microcosme financier. Les sociétés et les populations ont elles aussi une part de responsabilité.

Un extrait de Hedge Fund S.B. : Avec Tristan Roulot et Philippe Sabbah au scénario, vous étiez trois à construire cette histoire. Comment s'est constituée l'équipe chargée du projet ?
P.H. : Tristan et Philippe se connaissaient de longue date, et de mon côté je cherchais un projet.

S.B. : Tout à l'heure, tu évoquais Le Testament du Capitaine Crown, sur lequel tu as déjà travaillé avec Tristan Roulot. Est-ce cette précédente collaboration qui vous a donné envie de réitérer l'expérience ?
P.H. : La collaboration s'était très bien passée sur Le Testament du Capitaine Crown, et l’enchaînement s'est fait de manière assez naturelle.

S.B. : Au niveau de l'édition, le projet a-t-il été facile à soutenir ? A-t-il plu immédiatement ?
P.H. : Un premier éditeur s'est montré intéressé, mais difficile à convaincre, jusqu'à la rencontre avec Gauthier Van Meerbeeck au Lombard qui lui a été très enthousiaste dès le départ.

S.B. : Ton trait est plutôt réaliste. Que veux-tu transmettre au lecteur à travers lui (sensations, réactions, etc.) ? Où veux-tu l’entraîner ?
P.H. : Le dessin réaliste, s'il présente des difficultés, permet aussi une plus grande finesse dans le jeu des personnages et la représentation des environnements. Le but était d'accompagner le caractère crédible et réaliste de l'histoire.

Un extrait de Hedge Fund S.B. : L'histoire est précise et remplie de détails, par exemple au niveau du vocabulaire utilisé propre au langage des traders. Est-ce un vocabulaire qui t'est commun ?
P.H. : Je ne connaissais pas le vocabulaire, je l'ai découvert en me documentant, en lisant, et dans Hedge Fund il y a toujours une explication qui permet de suivre les dialogues malgré le jargon.

S.B. : À quel personnage es-tu le plus attaché ? Pourquoi ?
P.H. : J'aime bien Franck, le perso est touchant avec son ambition, ses contradictions et son dynamisme.

S.B. : En quoi, selon toi, cette série se démarque-t-elle ? Quelles sont ses particularités ?
P.H. : Ce qui nous semblait nouveau, en commençant, était de raconter une histoire dans laquelle la finance n'est pas juste une trame de fond, mais le sujet central. Ce n'est pas une histoire d'aventure dans le milieu de la finance, c'est une histoire de finance.

S.B. : Qu'est-ce qui pourrait donner envie aux lecteurs qui ne l'ont pas lue de la découvrir ?
P.H. : On apprend plein de choses en lisant la série, on clarifie des concepts qui sont souvent un peu vagues, mais ça reste malgré tout une histoire rythmée et captivante.

Un extrait de Hedge Fund S.B. : Sais-tu si la série a eu une bonne réception critique dans le milieu financier ?
P.H. : Beaucoup des lecteurs que je rencontre en dédicaces évoluent dans la finance et apprécient la série. Par ailleurs, nous avons aussi reçu des critiques très positives dans des magazines ou des sites spécialisés dans la finance.

S.B. : Le lectorat a-t-il été au rendez-vous du premier cycle ? Au fur et à mesure que celui-ci avançait et que de nouveaux tomes sortaient, a-t-il augmenté ?
P.H. : Oui, chaque sortie d'un nouvel album est une occasion de mettre la série en avant et certains la découvrent au deuxième ou troisième tome.

S.B. : Alors que le tome trois était la conclusion du premier cycle de Hedge Fund, un nouveau va s'ouvrir en octobre prochain avec la parution du tome 4. Constituera-t-il un nouveau cycle totalement indépendant du premier ?
P.H. : On retrouvera certains des personnages, mais l'histoire traitera d'aspects économiques différents dans des pays nouveaux.

S.B. : En combien de tomes est-il prévu ?
P.H. : Il est prévu en deux tomes.

S.B. : Retrouvera-t-on toujours la même équipe (scénaristes et dessinateur) à la réalisation ?
P.H. : Oui.

Un extrait de Hedge Fund S.B. : Ce nouveau cycle était-il déjà prévu lors de la création de la série ou est-ce l'intérêt des lecteurs pour l'histoire et la réaction critique qui ont motivé sa création ?
P.H. : Il n'était pas prévu, mais les thèmes autour de la finance ne manquent pas et les lecteurs sont au rendez-vous.

S.B. : As-tu des anecdotes sur la série que tu pourrais nous livrer ici ?
P.H. : Je n'en ai pas en tête.

S.B. : D'un point de vue plus personnel, quels sont tes prochains projets ? Ceux en cours ? Des envies ?
P.H. : Je me concentre à temps plein sur la suite de la série.

S.B. : Quelle est la question que je ne t'ai pas posée à laquelle tu aurais aimé répondre ?
P.H. : Comment devient-on riche dans la finance ? C'est trop bête, j'aurais pu t'expliquer ! (sourire)

S.B. : Et comment devient-on riche dans la bande dessinée ?
P.H. : On est tous riches dans la BD, c'est bien pour cela que l'on éprouve l'envie de partager ! (re-sourire)

Rendez-vous en librairie en octobre, pour la suite de ces pérambulations dans les couloirs de la finance !
Interview réalisée le 28/01/2017, par KanKr.