Les interviews BD / Interview de Éric Henninot

Septembre 2015. A la fête d’anniversaire d’un ami commun, je croise Éric Henninot, qui dit travailler sur l’adaptation d’un roman que j’aime beaucoup, la Horde du Contrevent. S’ensuit une discussion, puis la promesse de se revoir pour en parler de façon plus formelle. Près de deux ans plus tard, nous voilà à la terrasse d’un café…

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Éric Henninot - http://www.humano.com Éric, avant de nous intéresser à la horde du contrevent, nous allons parler un peu de ta carrière auparavant... Tu as commencé à travailler avec Stéphane Betbeder puis Christophe Bec, que retiens-tu de cette époque, qui remonte à une dizaine d'années ?
J'ai fait une école d'ingénieurs à Marseille, puis me suis lancé dans la BD sur le tard, dans les années 2000. J’avais un projet chez Pointe noire, qui n'a jamais vu le jour. Alister Kayne, avec Stéphane Betbeder, est donc ma première expérience. J'avais vraiment l'impression d'apprendre, car j'étais autodidacte, je n'ai jamais fait d'école de BD. J'avais fait quelques mois dans une école d'art à Belfort, avant mon service militaire, qui avait été décalé. J’avais donc quelques mois de libres, et c'était l'occasion, j'avais toujours eu envie de faire ça. Ça m'a décidé, je voulais faire du dessin, et c'est la BD qui a pris le dessus. La rencontre avec Betbeder, ça s'est fait sur un forum qui s'appelait bdamateur, je crois qu'il existe toujours. Les scénaristes y cherchent des dessinateurs, les dessinateurs mettent leurs dessins... Je ne cherchais pas forcément à dessiner une histoire se passant à Londres à la fin du XIXème siècle, mais je trouvais que son histoire était belle, c'était bien écrit, il y avait de bonnes idées... Après ça a pris du temps, on avait essayé de monter un premier projet, j'ai dû mettre presque un an pour faire les premières pages. On a fait les deux tomes d'Alister Kayne, j'avais commencé le 3, et Albin Michel a arrêté de faire de la BD à ce moment-là. Je leur en veux de nous avoir baladés sur le contrat du tome 3, alors qu'ils savaient probablement qu'ils allaient arrêter. Ce n'était pas très correct, mais ça fait partie de l'expérience...

Accéder à la BD Carthago Je me suis donc retrouvé sans rien, et puis Christophe Bec, que je connaissais car il était ami avec Stéphane, m'a appelé, en me disant "j'ai appris ce qui vous arrive, pour votre série, c'est dommage, etc." Je lui ai donc dit que s'il connaissait un scénariste qui cherchait un dessinateur, j'étais preneur, car j'avais besoin de bosser. Il m'a dit qu'il allait y réfléchir, mais qu'il avait peut-être un truc... Et c'est là qu'il m'a proposé le scénario de Carthago. J'ai ensuite travaillé avec Yann sur le XIII mystery, je devais reprendre Carthago mais ça ne s'est pas fait, j'ai fait un album avec Fabien Nury aussi, Fils du soleil, adaptation de Jack London... Pendant la réalisation de cet album j'ai aussi bossé avec Mathieu Lauffray sur Prophet, j'étais son assistant décors et perspective, et c'était hyper intéressant. Il m'a dit récemment avoir appris des choses avec moi, ça m'a énormément touché. On a deux façons d'appréhender le dessin très intéressantes, et sa façon de faire m'intéressait beaucoup. Du coup mes planches de Fils du Soleil ont été très influencées par le boulot avec Mathieu. Je mettais plus de noir, je jetais plus le trait, j'essayais d'être plus vivant, etc., ce que je continue de faire sur la Horde. J'avais une certaine appréhension de la planche finie ; je faisais donc des crayonnés très soignés, très poussés, avec un encrage très fidèle au crayonné mais du coup moins vivant. Je voulais m'affranchir de ces contraintes, et la période de travail avec Mathieu m'a permis de me libérer de plein de choses. La Horde du Contrevent me permet de prolonger cette expérience.

Comment es-tu venu à travailler sur une adaptation de la Horde du Contrevent ?
Comme tu me l'as dit quand on a discuté, ce fut un vrai choc de lecture, et comme je cherchais des bonnes histoires, par exemple dans la SF, je me suis dit bien après la lecture que ça pourrait être une très belle adaptation en bande dessinée. J’ai eu l'occasion de rencontrer Alain Damasio, et j'en ai profité pour lui poser la question. Du coup il a regardé mon boulot sur XIII Mystery. Pour lui, ça n'allait pas. "La Horde du Contrevent est un bouquin sur l'ouvert, et ton dessin est trop cerné, trop fermé, c'est contradictoire", m'a-t-il dit. Je lui ai dit que j'avais envie d'aller vers autre chose, d'ouvrir les choses. Il a vu mes planches de Fils du soleil, et c'était autre chose.

Tu as fait des planches d'essai pour la Horde ?
Pas vraiment. Alain n'était pas convaincu, mais j'ai insisté, en lui disant que j'allais lui prouver le contraire (rires). Il m'a appelé quelques temps après, me disant "je vois les gens de Forge Animation, qui travaillent sur une adaptation transmedia de la Horde dans 15 jours ; si tu veux faire des crobards, c'est le moment, je leur montrerai." J'ai donc passé les 15 jours suivants à faire des dessins, ça a bien plu à Alain, aux gens de Forge, et je les ai rencontrés. On a commencé à discuter d'une adaptation BD en même temps que leur film. Mais je ne voulais pas faire "la BD du film", adapter leur adaptation à eux, je voulais faire mon adaptation à moi. Quitte à me planter, je voulais me planter tout seul, comme un grand. Mais tant que je respectais l'esprit du bouquin, ils disaient vouloir me laisser libre. Je trouvais ça assez original comme démarche. Ils voulaient faire le jeu video, la BD, le film, avec une synergie d'écriture entre tous. Alain, lui, était plus réservé, il voulait que je prenne un coscénariste. Et puis ça ne s'est pas fait. Le jeu video et le film sont tombés à l'eau. Je crois qu'ils ont fait un kickstarter, mais sans réussir à réunir la somme dont ils avaient besoin.

Entre-temps j'ai reçu sur ma boîte mail une proposition de résidence d'auteurs, avec une bourse pour développer des projets. J'appelle Alain, je lui dis que j'aimerais bien en profiter pour proposer un dossier d'adaptation de la Horde, mais s'il est contre, tant pis, j'aurais travaillé pour rien. Il me dit "Les résidences c'est super, vas-y, fonce !". Je me lance, c'était au Château Haut-Brion, dans la banlieue bordelaise. J'ai été pris, j'ai bossé pendant deux mois sur la première version de l'adaptation de la Horde, avec laquelle je suis revenu vers Forge Animation. Ils ont trouvé ça pas mal, on a commencé à parler contrat, et puis ça a traîné en longueur et ne s'est finalement jamais fait. A ce moment-là j'étais sur Fils du Soleil, j'avais du boulot, mais pour après, plus rien. Du coup je suis retourné voir Forge, Alain, son éditeur, en leur disant que je ne pouvais pas continuer sur la Horde si je devais encore attendre. Du coup Alain et Mathias, de la Volte (éditeur du roman) m'ont dit qu'ils voudraient bien que ce soit moi qui fasse cette adaptation. Du temps avait passé, ils avaient appris à me connaître, à me faire confiance... Ils ont voulu dissocier le projet BD du projet de film. J'avais commencé un projet avec un autre auteur, mais j'ai dû lâcher l'affaire, puisque la Horde semblait renaître de ses cendres. J'ai donc présenté ma deuxième version du scénario aux éditeurs, et David Chauvel, de Delcourt, s'est montré super intéressé.

Si on remonte un peu dans le temps, le projet de Forge Animation date du début des années 2010.
Oui, j'ai dû les rencontrer fin 2011/début 2012. Ce projet date donc d'il y a longtemps, je me suis beaucoup investi dedans, j'ai pris des risques...

A ma connaissance c'est ton premier travail en tant que scénariste, même s'il s'agit d'une adaptation. As-tu pris des conseils auprès des scénaristes avec lesquels tu as déjà travaillé pour mener à bien l'écriture ?
Oui ; lorsque j'étais au château Haut-Brion, par exemple, il y avait Loïc Dauvillier, qui me drivait, me donnait des conseils, pour la toute première version. Plus tard Damasio a lu mon scénario, mais après avoir travaillé sur celui du film, pour ne pas être influencé... Après discussion avec lui, la V2 était très différente de la V1, j'avais lu des bouquins sur l'écriture, j'ai demandé des avis à droite à gauche. Le fait que David Chauvel soit par ailleurs scénariste a été un critère fort pour la signature. David m'a donné des conseils. Par contre celui qui donnait les coups de boutoir les plus violents dans le scénario, c'était Alain, qui me disait "Ça va pas, je ne suis pas ému, l'enjeu n'est pas assez fort...". Il m'a obligé à ramasser les morceaux et à reconstruire à chaque fois différemment. Je n'étais pas forcément content, on s'est un peu engueulés à ce moment-là. C'est normal, c'est son bébé. Mais je me suis dit que si j'attendais son approbation à chaque fois, je n'y arriverais jamais. Je voulais vraiment faire MON adaptation, pas celle d'Alain. Je n'étais donc pas content, j'avais l'impression d'avoir fait au mieux ; mais j'ai laissé reposer, de nouvelles idées sont venues, j'ai analysé certains positionnements d'Alain, rejeté certains, conservé d'autres... Alain, si tu m'écoutes, désolé, mais c'était comme ça (rires). Bon, c'est quelqu'un d'extrêmement intelligent, qui sait où il doit se tenir, entre implication et liberté. J'ai donc fait une troisième version, qui devait être la mienne. On en a discuté avec David, qui m'a dit que celle-là était encore mieux que la V2, et qu'il fallait que j'y aille.

J'ai donc tout storyboardé, commencé mes pages... Les nouvelles perturbations sont cette fois arrivées d'ailleurs. David organise régulièrement des séances de lecture avec d'autres auteurs, qui font ça bénévolement... Il m'a demandé si je voulais participer ; j'ai dit oui. Et je n'aurais pas dû (rires). Il y avait Robin Recht, Xavier Dorison, Patrick Tandiang, et d'autres personnes. J'avais fini le storyboard du tome 1, ils ont lu tout le scénario du tome, et m'ont fait leurs retours. Et je me suis quand même bien fait démolir. J'ai eu envie d'arrêter, c'était très dur. Xavier Dorison a été super, il m'a dit de ne pas m'inquiéter, qu'en rajoutant une voix off et en faisant quelques ajustements, ça allait fonctionner. C'était sur la mise en place de l'univers que ça achoppait ; je voulais faire comme dans le bouquin, quelque chose d'assez abrupt, où tu es comme les hordiers, tu te prends des tonnes de poussière dans la figure, tu en sais pas ce qui t'arrive, tu embarques ou pas avec eux. C'est ce que disait Alain, le lecteur est le 24ème hordier, c'est ce que je trouvais formidable dans le roman. Plein de gens ont d'ailleurs lâché le bouquin à la centième page. Sauf que là, on est dans la BD, et ce n'est pas pareil, en termes de narration. C'était une vraie décision d'auteur : est-ce que je fais un truc abrupt, au risque de perdre des gens, mais pour le coup je suis plus proche du bouquin, ou est-ce que je fais quelque chose de plus accessible, avec des enjeux des personnages plus clairs dès le départ, un univers plus compréhensible, etc. ? Plein de gens m'ont dit de prendre la seconde option. L'univers, personne ne le connaît ; il y a plein de personnages, on ne connaît pas les enjeux, qui est le héros, je risquais de perdre plein de monde. J'en ai parlé à Alain, qui m'a dit "J'ai mis la barre super haut dans le roman, mais je ne suis pas sûr que tu doives faire pareil pour montrer que tu es intelligent ; fais un truc simple, accessible. On s'est creusé les méninges pour le film, et c'était pareil, pour que les gens rentrent facilement dedans." A la demande d'Alain je lui ai donc fait un petit résumé, il m'a dit "fonce, c'est mieux !" J'ai donc remodelé les 20 premières pages de mon scénario, ça date de septembre dernier.

L'une des particularités du roman d'Alain Damasio est sa narration multiple, qui donne un panorama relativement complet des caractères de la Horde. Le media BD permet de s'affranchir de cette contrainte, avec un point de vue extérieur. Cependant tu as choisi de garder Sov, le scribe, comme narrateur ; pourquoi ce choix ?
Il y a une raison bien simple pour ce choix, mais que je ne peux dévoiler, sinon je spoile la fin du roman, et par ailleurs Sov est l'un des personnages qui me touchent le plus, et dont je me sentais proche. La problématique qui pour moi était celle de Sov dans le roman était celle qui m'intéressait le plus. C'était une évidence. Je voulais raconter l'histoire de la Horde, mais aussi l'histoire de Sov dans la Horde. Un choix très clairement radicalement différent de celui d'Alain Damasio. Car ce choix de la polyphonie dans le roman était assumé, très clair, y compris politiquement. C'est vrai qu'au début du boulot d'adaptation, je me suis posé la question : ce roman est génial, que pourrais-je y apporter ? Au début, seule mon envie me guidait, ce n'était pas très raisonné, ça me tenait à cœur. Mais au fil de l'écriture, de la réécriture, j'ai pu mieux cerner mes motivations ; en centrant sur Sov, j'ai repositionné l'arc narratif, ou même en créer un, et me concentrer dessus. C'est à ce moment qu'une adaptation devient une re-création. Je me disais que j'allais me faciliter la tâche en m'appuyant sur du matériau qui existait déjà. Certes, l'univers était déjà créé, d'une richesse infiniment précieuse. Le boulot de scénariste restant à faire est tout de même énorme. Comme au début j'apprenais le dessin, là j'apprends le scénario, c'est extrêmement formateur d'avoir les retours d'Alain, de David, de Xavier et d'autres scénaristes...

Quelle marge de liberté t'es-tu accordée dans ton adaptation ?
C'est complexe ; l'histoire de la Horde me plaît telle qu'elle est. Donc je suis partagé entre l'envie de rajouter des trucs, comme de parler des enfants dans le tome 2. C'est un sujet abordé avec les Fréoles, présents dans une grosse partie du bouquin, c'est une tribu qui vit de façon très différente de celle des Abrités, comme dit Caracole. Ils se servent du vent avec leurs vaisseaux. Mais effectivement je "respecte" certains jalons de l'histoire originale, comme la Flaque de Lapsane, Alticcio, Cambobane, Norska et bien sûr l'Extrême Amont. Il y a aussi des moments que j'enlève, comme la présentation de la Horde auprès des Fréoles, ça a lieu vers le milieu, moi j'ai fait ça plus en aval. Pour qu'on sache qui fait quoi. C’est une scène très longue, présentée par Caracole, très poétique, il en rajoute, en fait des caisses... C'est très beau dans le roman, mais en BD, ce serait hyper long et très ennuyeux. Par ailleurs, le rapport des femmes avec les enfants n'est qu'évoqué dans le roman. On sent qu'elles ont eu des enfants, qui ne sont plus là, ils sont partis d'eux-mêmes, mais ont envie de retrouver leurs parents par la suite... Tu sens les douleurs, les fractures chez les enfants, et j'ai envie de parler de ça. A cause d'histoires personnelles qui me sont propres, mais aussi pour développer ce fil narratif en filigrane. Je pense que dans le tome 2 une hordière sera enceinte, et que j'évoquerai les problèmes que ça posera à tout le monde.

Il me semble que tu as simplifié le vocabulaire si particulier, si évocateur et si inventif du roman de Damasio...
Ce n'est pas conscient du tout. J'essaie de m'adapter au niveau de langage et au vocabulaire de chacun ; j'ai l'exigence des dialogues, il faut qu'ils soient compréhensibles. Après, j'essaie de garder la beauté de la langue d'Alain, comme lors du Furvent, comme lorsqu'il parle de la monotonie du contre... Ces phrases sont tellement belles, que je les prends et les mets telles quelles. C'est aussi une question de rythme, d'équilibre entre les moments de pause et les moments d'action.

Ayant lu le tome 1, je me suis fait une remarque : à aucun moment on ne sait combien sont les hordiers, hormis à la toute fin, où il y a une vue aérienne de la Horde en diamant...
Si tu les comptes, suivant les actions, les noms, etc., tu te rends compte qu'ils sont 18. Dans l'album il y aura une espèce de trombinoscope, comme dans le roman, avec nom, visage et fonction de chacun. Je les ai mis en formation de diamant, pour qu'on voie le pack. Il n'y en a que 18, et pas 23 comme dans le roman, car 18 c'est déjà énorme, et par ailleurs Alain me l'avait suggéré. J’ai fait un choix assez stratégique dans ma sélection. Il y a des pertes tout au long du livre, et puis j'ai fusionné des fonctions qui me semblaient similaires. Comme Larco, le braconnier, qui capte des méduses avec ses cages à cerfs-volants, avec les deux chasseurs et leurs oiseaux. J'ai fait un seul chasseur avec ces trois-là. Silence était l'artisan du bois, et Steppe, le spécialiste des graines et des plantes, qui sait ce qui soigne, ce qui tue, etc. Je les ai fusionnés à cause de leur rapport au végétal. Callirhoé la feuleuse, qui pour moi est un personnage extrêmement important et Léhark, l'artisan du fer, ont également fusionné. Callirhoé va représenter une figure de la rébellion dans les tomes 2 et 3, et va tenir un rôle assez central. Sov va devoir gérer et protéger cet élément perturbateur. D’ailleurs dans mes premières versions Sov et Pietro étaient un seul et même personnage. Dans mon scénario ils vont devenir un seul et même personnage, mais c'est mis en scène dans le tome 1.

Combien de tomes sont-ils prévus ?
Je pense qu'il y en aura 5, voire 6. Le roman fait 700 pages. Le tome 1 devait faire 54 pages, mais comme je débutais dans l'écriture, je me suis laissé embarquer et il comportera 74 pages. Les suivants devraient faire 54 pages, il faut que je m'arrange. On va essayer de faire une sortie par an. Il y a eu tellement de trucs à mettre en place pour le premier, que pour la suite ça devrait être plus facile.

Un truc qui m'a frappé dans ton album, c'est la profusion des couleurs. Ma lecture du roman remonte à loin, mais j'imaginais quelque chose de gris, de monotone, peut-être une ambiance glaciaire...
Ah c'est marrant, d'autres lecteurs voient certaines couleurs dominantes, comme l’orange. Tiens au début du roman, quand les hordiers arrivent chez les Abrités, c'est très clairement décrit par Alain, c'est de la latérite, comme dans le bush australien. Donc de l'orange et du vert, pour les buissons. Je me suis documenté sur les différents déserts existants, et il y en a de plein de couleurs différentes. Je vais m'en inspirer, je ne veux pas de l'orange tout le temps. D'ailleurs cette scène-là est assez longue, donc l'ambiance visuelle est un peu toujours la même, et j'ai envie de les faire sortir, de les faire changer d'ambiance, je trouve ça chiant. Il y a une vraie richesse à exploiter au niveau de la couleur du ciel, de celle de la roche, de la poussière... C'est chez moi une véritable envie de créer et d'explorer un univers qui n'existe pas. J’adore ça, en bande dessinée, qu'on m'emmène dans des lieux étranges, bizarres... Ce n'est pas moi qui fais les couleurs, c'est Gaëtan Georges. C'est son travail sur Rock & Stone, de Valeani et Jean, qui m'a séduit. C’est à la fois subtil, riche et bien vu. C'est moi qui suis allé le chercher, après avoir essayé avec plein d'autres. Il fait un travail magnifique sur mes planches, je suis super content.

Le tome 1 est donc achevé...
Oui, les couleurs aussi, depuis hier. J'ai un peu levé le pied, par rapport aux deux derniers mois, mais bon, j'ai encore les couleurs à vérifier, la maquette à surveiller. J'ai tout le temps des idées pour la suite, donc je les note...

Tu sais quel va être le tirage ?
Je crois que ça va être entre 25 et 30 000. Oui, un gros tirage, c'est positif, ça veut dire aussi que les libraires sont en confiance, que les carnets de commande sont bien remplis. Je ne fais pas ça pour des tirages faramineux, mais après avoir autant bossé, tu n'as pas envie que ça soit confidentiel. Aucun auteur n'a envie que son bouquin soit confidentiel, tu me diras... Mais c'est vrai qu'avec le temps passé là-dessus, si tu te plantes... Tu accélères, tu accélères, tu accélères, et s'il y a un mur en face, la gamelle peut faire très mal. J'ai fait la couverture, je dois faire celle de l'édition noir et blanc et pour l'édition de luxe... Celle-là sera en grand format, avec des croquis, chez Black & White, qui avait fait une édition de luxe de Fils du Soleil sublime. Il a un peu hésité, vu qu'il y a une édition N&B chez Delcourt, mais quand il a lu l'album, il l'a trouvé super bien et a accepté. C'est un de mes premiers lecteurs, et son enthousiasme fait plaisir.

L'un des enjeux va être de plaire à ceux qui connaissent et aiment le roman, et ceux qui ne le connaissent pas.
Oui, si tant est qu'ils soient intéressés par une adaptation d'un roman qu'ils aiment. Alain m'a fait une belle préface, ça m'a fait extrêmement plaisir. On a l'appui d'Alain sur ce tome 1.

Éric, merci beaucoup.
Interview réalisée le 18/09/2017, par Spooky.